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31 mai 2009 7 31 /05 /mai /2009 15:30
Serge, David, Cecil et les autres…

 
 
Pour un psychopathe, devenir serial killer n'est qu'une question de circonstances. La terminologie a fixé les limites de cette appellation réservées aux tueurs multirécidivistes : au moins trois victimes assassinées en des lieux et à des dates différentes, mais cette appellation peut aussi s'appliquer à des individus n'ayant tué qu'à deux reprises lorsqu'il est évident qu'ils ne se seraient pas arrêté après ces premiers meurtres si la police ne les avait pas mis hors d'état de nuire. La notoriété du tueur dépend aussi de nombreux facteurs : informations disponibles, mode opératoire plus ou moins horrible, personnalité du psychopathe, rebondissements de l'enquête et du procès… Ainsi, Kathy Reichs, la célèbre anthropologue et écrivaine américaine, est plus connue que Serge Archambault, le serial killer québécois qu'elle contribua à démasquer.

Serge Archambault tua sauvagement trois femmes au Québec en 1989 et 1992. Il fut à la fois confondu par la caméra de surveillance d'un distributeur de billets et par l'anthropologue américaine Kathy Reichs (© Marc Pigeon).

En effet, le 6 janvier 1992, le corps d'une femme de 47 ans fut retrouvé dans la maison qu'elle occupait avec son mari dans la petite ville de St-Calixte, près de Montréal. Elle portait une blessure à la tête qui indiquait sans ambiguité qu'elle avait été tuée par balle. Le 26 novembre de la même année, une femme de 24 ans fut découverte dans son bungalow de Deux-Montagnes, non loin de Montréal. Bien qu'elle ait été étranglée, divers indices permettaient de relier les crimes : les victimes avaient été sauvagement battues et mutilées, et leurs cartes de crédit avaient été dérobées et débitées peu de temps après, comme le fit William Fyfe quelques années plus tard. Lors du second meurtre, une caméra de surveillance filma l'agresseur alors qu'il retirait de l'argent, et celui-ci fut rapidement identifié et apréhendé. Il s'agissait de Serge Archambault, 35 ans et père de deux enfants, qui avoua rapidement un troisième meurtre commis en 1989. Il avait alors caché les restes de sa première victime dans une zone boisée de St-Hubert, sur la rive sud du Saint-Laurent. Le 30 novembre, soient 4 jours après l'arrestation du coupable, une partie du cadavre démembré d'une femme de 29 ans fut découvert, enveloppé dans un sac en plastique. Quatre autres sacs dispersés dans le bois furent retrouvés quelques jours plus tard. L'anthropologue américaine Kathy Reichs, qui collaborait activement avec la Sûreté du Québec, releva des traces de coupures sur les os et une section extrêmement précise des articulation qui indiquaient que le tueur avait des connnaissances anatomiques. C'est sans surprise que les enquêteurs apprirent que ce voyageur de commerce avait été boucher et, qu'en conséquence, il savait débiter un cadavre. Le 19 novembre 1993 au palais dejustice de St-Jérôme, celui que la presse surnommait "le Boucher de St-Eustache" fut condamné à la prison à vie pour meurtre au premier degré. On raconte que parmi ses affaires personnelles, les enquêteurs retrouvèrent des renseignements sur de nombreuses autres femmes. Il pourrait ainsi avoir été impliqué dans d'autres crimes jamais résolus.

Paul Cecil Gillis fut un temps l'un des pires tueurs en série du Canada. A l'âge de 25 ans, il assassinna huit jeunes femmes en Colombie-Britannique. Son épopée criminelle prit fin lorsque Gillis assassina Laverne Merle Johnson en 1974. La police commença de le soupçonner lorsqu'il participa aux recherches comme volontaire et trouva miraculeusement le corps mutilé et caché sous un pont. Interné au centre psychiatrique d'Oak Ridge, il y croisa Peter Woodcock avant d'être transféré à l'hôpital psychiatrique St-Thomas (Ontario). En avril 1988, Gillis et un autre patient du nom de Roger Abel profitèrent d'une permission de sortie pour agresser et violer une jeune fille qu'ils tentèrent vainement de tuer avant de regagner tranquillement leurs chambres à St-Thomas. La jeune victime dénonça ses agresseurs qui furent appréhendés dès le lendemain. Gillis fut condamné à la prison à vie et déclaré "Dangerous Offender" avant d'être envoyé au SHU de Kingston.

Le 24 août 2000, David Threinen, 52 ans, se présenta devant la commission de libération sur parole. Comme il pouvait s'y attendre, sa demande fut refusée. Lors d'une précédente comparution, il avait déclaré qu'il s'effrayait lui-même, qu'il avait peur de ne pas pouvoir s'arrêter. Agé alors de 25 ans, ce pédophile maniaque et violent avait enlevé et étranglé de jeune enfants de la région de Saskatoon au cours de l'été 1975. Ainsi, au mois de juin, la jeune Darlene Cranfield, 10 ans, rencontra un de ses amis et lui proposa d'aller faire un tour à la rivière. Le jeune Richard Klassen devait faire des courses, aussi déclina-t-il l'offre ; il fut le dernier à la voir vivante. Un peu plus tard, Darlene se rendit  au bord de l'eau en compagnie de Robert Grubesic, 9 ans. Il y rencontrèrent David Threinen qui les enleva et les étrangla avant d'abandonner leurs corps qui ne furent découverts que deux mois plus tard. Quelques semaines après le drame Samantha Turner et Cathy Scott furent assassinnées à leur tour, peu avant que leur meurtrier ne soit enfin capturé. Threinen fut jugé et condamné à la prison à vie. Il ne sera probablement jamais remis en liberté.

Le désir sexuel, et ses déviations pathologiques, sont le principal moteur des serial killers, en particulier ceux de sexe masculin (c'est à dire l'immense majorité des tueurs multirécidivistes). Mais parfois, un homme peut assassinner parce qu'il est tout bonnnement atteint d'une psychose qui nécessite un déclencheur pour que sa violence explose. C'est le cas de Kenneth Ford qui fut surnommé "Le Barbebleue du Québec".

Kenneth Ford, le "Barbebleue du Québec", tua successivement ses quatre compagnes enceintes parce qu'il refusait sa paternité (© Allô-Police).

On peut avoir bien des raisons de vouloir se débarrasser de sa femme : jalousie, vengeance, cupidité ou simple sadisme, mais les motivations de Kenneth Ford étaient pour le moins singulières. En février 1953, à Cowansville, cet homme de 35 ans alerte la Sûreté du Québec parce qu'il prétend avoir découvert sa femme inanimée dans sa baignoire. Norma Ford gît effectivement dans son bain, bel et bien morte. L'eau est rougie par le sang qui s'est échappé de profondes entailles en arrière de sa tête. La cause de la mort est évidente à première vue : le savon est tombé dans le fond de la baignoire et la victime a glissé dessus, basculant en arrière et heurtant le robinet à facettes. Norma Ford s'est donc noyée lorsqu'elle a perdu connaissance. Une analyse minutieuse de la scène de l'accident révèle cependant plusieurs anomalies : pyjama propre sur le dessus du tas de vêtements alors que le pyjama déjà porté est en dessous, tapis de bain déjà mouillé et absence de projections sanglantes sur les murs… Au-dehors, l'incinérateur contient des cendres provenant de vêtements masculins. On peut donc imaginer que Kenneth Ford a tué sa femme dans un autre endroit et qu'il a dû se débarrasser de ses propres affaires souillées par le sang, de même qu'il a sommairement nettoyé le tapis de bain sur lequel il a traîné le corps. Les policiers suspectent bientôt un crime maquillé en accident. Bien que Kenneth Ford ait semblé choqué par la disparition de son épouse, sa personnalité ne laisse pas les policiers indifférents : décrit par beaucoup comme un employé modèle et un mari sérieux, une enquête plus approfondie esquisse de lui une autre image. Ainsi, certaines femmes ont fait le portrait d'un contremaître tyrannique, harcelant sexuellement ses employées. On découvre bientôt que sa femme était enceinte et qu'il ne semblait pas emballé par sa future paternité, lui qui n'avait pas connu son père. Son attitude vis-à-vis de sa femme avait même changé du tout au tout depuis qu'il avait appris la grossesse. La police retrace alors la route de Kenneth Ford depuis qu'il avait atteint l'âge adulte et elle n'en est qu'au début de ses surprises. En effet, natif de l'état américain du Vermont, Ford s'était lié avec une jeune fille de 18 ans qui s'était noyée alors qu'elle était à la pêche avec lui. Il avait alors vécu en concubinage avec une jeune femme qui avait malencontreusement trouvé la mort en tombant dans sa cave… Kenneth Ford avait ensuite déménagé pour le Québec où il avait vécu un moment avec une femme qui se tua dans un accident de voiture. Mais le plus troublant sans doute était que, d'après les rapports d'autopsies, les trois victimes étaient enceintes !
Les interrogatoires, menés sous forme de discussions impromptues, permirent de confondre ce tueur un peu particulier qui aimait les femmes mais les rejetait avec une violence incroyable lorsqu'elles portaient sa descendance. La découverte des patins, maladroitement enfouis sous la neige, révéla qu'ils étaient souillés de sang humain. Le dessin de la lame correspond aussi parfaitement aux blessures relevées sur le crâne de Norma Ford. La carrière criminelle du "BarbeBleue du Québec" connut une fin rapide et tragique : jugé et condamné, il fut exécuté à la prison de Bordeaux à l'automne de la même année mais la pendaison ratée le laissa agoniser pendant 13 longues minutes.

Au  Canada comme ailleurs, plusieurs meurtriers ont raté l'examen d'entrée dans le club très fermé des tueurs en série, mais ils n'en sont pas moins de redoutables psychopathes : ni les policiers qui les ont arrêtés, ni les psychiatres qui les ont expertisés, ni les juges qui les ont condamnés, ne doutent qu'il s'agit d'individus dangereux qui auraient continué à tuer s'ils n'avaient été retirés de la circulation. Plusieurs d'entre eux sont même suspectés d'avoir tué davantage sans qu'on ait pu formellement les impliquer dans d'autres meurtres. Dans certains cas, les autorités sont restées impuissantes devant le déferlement d'une violence annoncée. Ce fut notamment le cas de l'affaire Jonathan Yeo qui soulevait de nouveau l'épineux problème de la libre circulation des armes à feu.
Jonathan Yeo était un individu connu de la justice pour avoir agressé et violé plusieurs femmes au Canada. Il venait d'être relâché sous caution lorsqu'il tenta de franchir la frontière  américaine à Niagara Falls, Ontario, le 9 août 1991. Constatant que l'homme était en possession d'une arme, la douane américaine l'avait refoulé, prévenant par la même occasion leurs collègues canadiens que l'individu semblait dangereux, d'autant plus qu'ils avaient découvert sur lui une note de liberté sous caution ainsi qu'un message où il annonçait son intention de se suicider. Malheureusement, même s'il avait violé sa libération conditionnelle en tentant de quitter le Canada, la douane canadienne ne pouvait légalement rien faire pour le retenir. Jonathan Yeo avait donc regagné sans problème son pays d'origine où il se promenait en possession d'une arme qui avait servi lors d'une précédente agression sexuelle pour laquelle il avait été condamné. Une heure et demie plus tard, il enlevait et assassinait Nina de Villiers à Burlington, Ontario. On retrouva le corps de la jeune femme dix jours plus tard dans un marais près de Napanee. Quatre jours après le premier meurtre, Karen Marquis fut agressée et froidement exécutée chez elle au Nouveau-Brunswick. Les études balistiques montrèrent la relation directe existant entre les deux meurtres qui furent attribué à Jonathan Yeo. Celui-ci préféra mettre fin à ses jours plutôt que de se rendre à la police. Bien que terminée par la mort du principal protagoniste, l'affaire relança le débat sur la nécessité du contrôle des armes à feu puisqu'on dénombre pas moins de mille décès par balle chaque année au Canada (soit tout de même trois fois moins qu'aux USA, à population constante).

Les histoires criminelles connaissent aussi de curieuses coïncidences, empreintes d'un ironie indiscutable. Ainsi, le 24 avril 1984, les restes de John McLaughin, connu sous le surnom de "Jack le Serpent", furent découverts dans une propriété appartenant à un certain Noel Winters, non loin de Saint-John au Nouveau Brunswick. A ses côtés, gisait Maria Kraus-Hillebrand, 26 ans, ainsi que le cadavre de leur chien. "Jack le Serpent" n'était pas ce qu'on avait coutume d'appeler, une  "innocente victime". Encaisseur pour le "West End Gang" de Montréal, garde du corps lié de près aux Hell's Angels, mêlé au trafic de drogue, il était suspecté d'une douzaine de meurtres. La police supposa que McLaughin était venu collecter une livraison de drogue impayée. A vrai dire, Noel Winters, le propriétaire du terrain où reposait le couple, n'était pas un saint lui non plus : le serpent était tombé sur un scorpion. En effet, à l'époque de la découverte, Winters purgeait déjà deux peines de prison à vie pour le meurtre d'un homme de 64 ans et de son fils de 32 ans dont les corps, découpés en morceaux, avaient été découverts dans des sacs en plastique. Winters ne survécut guère à la macabre découverte : le jour même où l'on annonçait que les dépouilles de McLaughin et de sa compagne avaient été retrouvées, il se pendit dans sa cellule. La police supposa qu'il s'était suicidé pour échapper aux représailles des associés de sa dernière victime.

La police elle-même n'échappe pas au phénomène du serial killer et, même si le filon du flic psychopathe a été largement exploité par le cinéma et la télévision, on en connaît pas moins quelques exemples bien réels. Ainsi, au Canada, un policier retraité de 52 ans du nom de Ronald West fut inculpé, 30 ans après les faits, du meurtre de deux infirmières de la région de Toronto. Doreen Morby, 34 ans, et Margaret Ferguson, 38 ans, avaient été toutes deux violées et assassinées à deux semaines d'intervalle en mai 1970, et ce dans des circonstances similaires. A l'époque des faits, le commissaire Archie Fergusson, de la Police Provinciale de L'Ontario, n'avait pu trouver suffisamment d'indices pour épingler le coupable. Cependant, les prélèvements réalisés au cours de l'autopsie avaient été soigneusement conservés. Comme ce fut le cas la même année pour William Fyfe, l'ADN devait  désigner le coupable. Ronald West fut confondu alors qu'il était en prison pour une série de vols avec effraction, et se trouvait suspecté d'une double meurtre commis huit années auparavant sur une aire de pique-nique de Blind River, Ontario, non loin de son lieu de résidence Le tueur avait attaqué un couple dans son camping-car, prétendant être officier de police. Il avait, semble-t-il, abattu Jackie McAllister et blessé très gravement Gord, son mari. Un jeune homme de 29 ans du nom de Brian Major était arrivé sur ces entrefaites et avait été tué lui aussi. S'il ne fait aucun doute que Ronald West a violé et assassiné les deux infirmières, il n'est pas tout à fait certain qu'il soit réellement le tueur de Blind River, bien que les coïncidences soient pour le moins frappantes.

L'histoire de David Alexander Snow est elle aussi singulière, et les circonstances de son arrestation sont pour le moins rocambolesques. On ne croit guère à ces films à suspense où le justicier arrive à la seconde même où le méchant va achever la belle à sa merci. Cela n'arrive jamais en effet. Jamais ou presque… Le 12 juillet 1992 pourtant, les constables Peter Cross et John Woodlock de la GRC allaient sauver la vie d'une femme, in extremis. Ils étaient en train d'intervenir dans le quartier de Capilano-Perberton à Vancouver, dans le cadre d'une plainte pour tapage nocturne au coin de Garden Avenue et de Marine Drive. Habituellement affectés à la zone du Lower Lonsdale, ils avaient dû modifier l'itinéraire de leur patrouille en raison du manque d'effectifs. En effet, la majeure partie des policiers du sud de la Colombie Britannique était impliquée dans une gigantesque chasse à l'homme dans la zone du Mont Seymour, un massif montagneux situé dans l'arrière-pays de North Vancouver. Le fuyard était un dénommé David Alexander Snow, 37 ans, ravisseur, violeur et tueur récidiviste à qui l'on attribuait au moins deux morts.
Avant d'avoir pu en terminer avec la plainte pour tapage nocturne, Cross et Woodlock furent appelés par le répartiteur pour une alarme silencieuse au Bridge House Restaurant sur Capilano Road, un peu avant 4 heures du matin. Comme le déclara plus tard Woodlock, « L'alarme silencieuse était prioritaire ». Les deux policiers stationnèrent donc leur véhicule à proximité du restaurant et décidèrent d'en faire rapidement le tour, alors même que le central avait rappelé pour préciser que la compagnie d'alarme était allée sur place et n'avait constaté aucune effraction. Les agents se séparèrent pour faire le tour du bâtiment. Cross repéra un tas de chaises empilées et décida de vérifier que nul ne s'était caché là. Il eut la surprise de découvrir un individu penché sur un corps dénudé et apparemment inerte. L'homme était en train de garrotter sa victime qui n'opposait déjà plus de résistance. « J'ai tout d'abord pensé qu'elle était morte et qu'il venait juste de la tuer » expliqua Cross . Le constable dégaina son arme alors qu'il était à la hauteur de l'agresseur, mais celui-ci prit la fuite en direction d'une haie. Il tenta de sortit un pistolet passé dans sa ceinture, mais le laissa tomber dans sa course éperdue. Cross s'était lancé seul à sa poursuite, et criait. Woodlock entendit son coéquipier qui s'identifiait et ordonnait à quelqu'un de s'arrêter. Prenant conscience de la situation, John Wooodlock tenta alors en vain de demander du renfort dans sa radio portable puisque la batterie était à plat. Bien que lancé à la poursuite du fuyard, Cross trouva le moyen de prévenir le jeune agent : « Il y a une femme par-derrière avec un sac sur la tête. Retourne là-bas ! ». Woodlock s'exécuta, découvrant tout d'abord l'arme perdue par l'agresseur puis le corps immobile, couché sur le côté droit  "dans une position presque fœtale". Il dégagea la tête de la victime du sac en plastique qui recouvrait sa tête et la soulagea du bâillon imprégné de sang  qui l'étouffait. Il tenta sans succès de briser le fil de fer qui enserrait le cou de la femme, puis entreprit de le desserrer à la main, chose qui se révéla malaisée tant il était enfoncé dans la peau du cou. « Quand elle a gémi, j'ai réalisé qu'elle était vivante », racontera Wooodlock. Le policier passa beaucoup de temps à libérer la femme dont les poignets et les chevilles étaient attachées avec des liens très serrés. Comme les agents de la GRC ne sont pas autorisés à porter des couteaux, il dut dénouer les liens l'un après l'autre en attendant les secours.
Pendant ce temps, Cross avait rattrapé et maîtrisé l'agresseur. Il n'était pas au bout de ses surprises. Lorsqu'il le retourna, il découvrit avec stupéfaction qu'il avait arrêté David Alexander Snow, l'homme que des centaines de policiers traquaient dans la zone du Mont Seymour. C'était d'autant plus surprenant de le trouver là que les abords du Mont Seymour étaient bloqués par un impressionnant dispositif policier depuis une douzaine d'heures. Lorsqu'il fouilla son prisonnier, Peter Cross se rendit compte qu'il avait eu beaucoup de chance : Snow avait un autre pistolet chargé dans sa poche et, à n'en pas douter, il s'en serait servi s'il n'avait été persuadé que Cross l'avait mis en joue. En effet, l'homme était loin d'être un débutant. En avril 1992, il avait tué de sang froid Ian et Nancy Blackburn en Ontario. Trois mois plus tard, il venait d'enlever deux femmes qu'il avait entraînées dans une zone boisée où il leur avait fait subir des sévices sexuels. Fort Heureusement, la police avait retrouvé les malheureuses dont l'identité n'a jamais été divulguée. La première, âgée de 19 ans, gisait inanimée près de sa voiture. La seconde était attachée à un arbre et avait été portée disparue depuis huit jours. Toutes deux avaient été en mesure d'identifier leur agresseur comme étant David Snow, un homme recherché par la police ontarienne pour fraude. Curieusement, cet anti-social de 37 ans ne s'était jamais fait remarquer avant de commencer à tuer.

Couverture du livre "A friend a the Family" : son auteur, Alison Shaw, cotoya le tueur qu'elle n'aimait guère bien qu'il se soit associé à son mari (
© Macfarlane Walter & Ross, 1998).

Brocanteur à Orangeville, Ontario, Snow s'était un temps lancé dans la démolition d'immeubles et s'était associé avec un dénommé Darris Shaw qui l'appréciait. En revanche, son épouse, Alison Shaw, ne l'aimait guère, et plus elle le connaissait, plus elle le trouvait inquiétant. C'est sans doute elle qui passa le plus de temps avec le tueur que sa fille appelait "Oncle David", relation trouble qu'Alison Shaw devait décrire par la suite dans un livre intitulé " A Friend of the Family" (" Un ami de la famille").
Si David Alexander Snow fut condamné en 1997 pour le double meurtre de Ian et Nancy Blackburn, il ne fut en revanche pas inculpé de tentative de meurtre sur la personne de Dalia Gelineau, la femme qu'il avait tenté d'étrangler derrière le Bridge House Restaurant. Le juge Jerome Paradis, de la cour provinciale de North-Vancouver, estima en effet qu'il n'avait pas eu l'intention de tuer sa victime, décision qui souleva un tollé médiatique ! Comment expliquer en effet que la pauvre femme de 53 ans se soit retrouvée avec son slip enfoncé dans la gorge, un sac en plastique sur la tête et un garrot si serré que la peau du cou recouvrait le fil métallique, collet que l'agent Woodlock avait eu bien du mal à ôter ? Le juge se rattrapa par la suite en déclarant Snow "agresseur dangereux", mais la décision avait soulevé l'indignation générale, d'autant plus que Dalia Gelineau, qui avait survécu aux camps de concentration cinquante années avant les faits, avait été physiquement et psychologiquement détruite par la tragédie qu'elle venait de vivre.

Incarcéré pour une soixantaine de délits dont le viol de six femmes, Martin Ferrier ambitionnait de devenir le plus grand tueur en série du Canada. En dépit de son impressionnante carrure, il a peu de chances d'y parvenir puisqu'il a été de nouveau incarcéré pour avoir molesté un journaliste quelques heures après sa libération (© Canadian Press).

Les rêves des tueurs en série font peur, même si ce ne sont que des fatasmes. Devenir le "tueur en série le plus prolifique du Canada" était – et reste sans doute – l'ambition de Martin Ferrier, un colosse au crâne rasé, haut de 1 mètre 95 et pesant 127 kilos. Judy Perry, sa mère, dénonce l'attitude de son propre fils : « Il va tueur quelqu'un », assure-t-elle aux journalistes du National Post. « Il veut être aussi connu que Paul Bernardo et avoir une aussi belle cellule équipée d’un ordinateur et d’une télévision couleur ». L'homme a déjà prétendu avoir commis trois meurtres mais cela semble peu probable, aussi n'a-t-il pas été poursuivi en dépit de ses déclarations. En juillet 2004, la libération prochaine de Martin Ferrier faisait grand bruit dans les médias. Cet homme de 31 ans avait alors passé quinze des dix-sept dernières années en prison pour une soixantaine de délits comprenant le viol de six femmes, des attaques à caractère sexuel, la détention d'armes prohibées et diverses autres agressions et violences. Les habitants de Brampton, petite ville de l'Ontario située non loin de Toronto où il avait décidé de s'installer, pouvaient donc se faire du souci. Considéré par les médecins comme un "incurable psychopathe", il semblait ne rien avoir retenu de ses nombreux séjours derrière les barreaux, sinon une agressivité toujours plus grande : « Il a tout le temps choisi de faire de mauvais choix, commentait Judy Perry. Il n'a rien appris pendant qu'il était en prison, excepté à devenir encore plus mauvais ». 
Martin Ferrier a même été l'enjeu d'une bataille politique autour de la modification de certains aspects du système judiciaire canadien. Ainsi, ses actes, qui relevaient pour beaucoup de la criminalité courante, ne lui avaient pas valu d'être déclaré "agresseur dangereux", un titre très contraignant puisqu'il oblige le détenu libéré à se soumettre à un contrôle régulier très strict, et que tout manquement lui vaut de réintégrer sa cellule. En fait, nombreux étaient ceux qui réclamaient que l'appellation soit attribuée d'office à des individus particulièrement violents ou s'étant rendu coupable d'au moins trois délits à caractère sexuels. Ainsi, Larry Takahashi, connu en Alberta sous le surnom du "Violeur à la Balaclava", a écopé de la prison à vie pour le viol de sept femmes entre 1979 et 1983. De ses propres aveux, ce violeur en série, qui a admis avoir violé une trentaine de victimes et était soupçonné de 138 agressions, déclarait présenter un fort risque de récidive s'il était relâché. Il obtint donc sans problème le label de "dangerous offender".
Libéré le 7 juillet 2004, Martin Ferrier demeura libre moins de douze heures. Traqué par les journalistes, il prit à parti un caméraman et menaça de le tuer, ce qui lui valut d'être à nouveau arrêté puis condamné à deux ans de prison qu'il purgea à l'Ontario Warkworth Institution. De nouveau libre le 9 juillet 2006, il déclarait vouloir s'installer quelque part au Québec pour recommencer une nouvelle vie. Deux semaines auparavant, la chaîne de télévision CTV avait diffusé un documentaire dans lequel Martin Ferrier apparaissait plutôt comme un petit voyou que comme un grand psychopathe. Sa mère, qui l'avait jusque-là décrit comme un tueur en série en puissance (alors qu'il n'avait été condamné que pour des délis mineurs et non pour viol), déclarait, dans une "surprenante volte-face" que son fils était un "nounours au grand coeur qui ne ferait de mal à personne". Reste à savoir si ses menaces correspondaient à un besoin de notoriété ou à des aspirations réelles.

La liste des apprentis serial killers est loin d'être close et on pourrait encore citer Henry Williams, assassin de deux mineures au début des années 70 ou Braeden Nugent, double meurtrier en 1995 à Thunder Bay, Ontario, et décédé d'une overdose en prison en 2006, mais aussi Daniel Wood et Barry Niedermeier. Aux dires de Stéphane Bourgoin, les serial killers sont parmi nous et ils sont plus nombreux que l'actualité judiciaire ne le laisse supposer.

[Cartes]

Bibliographie :

David Alexander Snow
• Alison Shaw, A Friend of the Family, Macfarlane Walter & Ross, 1998
• A Friend of the Family, film projeté à CTV en septembre 2006, inspiré du livre d'Alison Shaw


Serge Archambault
• Kathleen J. Reichs, William M. Bass Forensic Osteology: Advances in the Identification of Human Remains, Charles C. Thomas Publisher, 1988.

Kenneth Ford
• Roch Dandenault, Mémoires d'un Flic, Ed. Shrebrooke, Québec, 1976.

Divers
• Diane Anderson, Bloodstains : Canada Multiple Murders, Detselig Enterprises Ltd, 2006.


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© Christophe Dugave 2008
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Published by Christophe Dugave - dans Troisième partie

Présentation

  • : Transcanadienne, sur la piste des tueurs en série d'une mer à l'autre
  • : Un blog intégralement consacré aux meurtriers multirécidivistes au Canada.
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Du nouveau sur le blog

Mes romans et recueils de nouvelles sont visibles sur le site de LIGNES IMAGINAIRES.

Clifford Olson est décédé le 30 septembre 2011 à Laval, près de Montréal. Il fut, non pas par le nombre mais par son sadisme et son absence totale de remords, l'un des pire sinon le pire tueur en série du Canada. Sa triste histoire (non réactualisée) peut être lue ici.

 

Dans un tout autre registre, voici mon second roman "Lignes de feu", un thriller qui se déroule aussi au Québec mais cette foi-ci en septembre 2001, rencontre un certain succès…

 

lignes de feuPour en savoir plus, cliquez ici ou sur la couverture (© photo : S. Ryan 2003)

 

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Actualités

Un nouveau cas de serial killer jugé en Colombie Britannique : Davey Mato Butorac, 30 ans, est actuellement jugé à Vancouver pour les meurtres de deux prostituées droguées, Gwen Lawton et Sheryl Korol retrouvées mortes en 2007 à Abbotsford et Langley. Il est également suspecté d'avoir assassiné une troisième victime.  Comme c'est maintenant la mode au Canada pour les affaires de tueurs en série, le procès est frappé d'une interdiction de diffusion des informations. Et comme cela semble également en vogue depuis le procès Pickton, Butorac n'est poursuivi que pour "meurtre au second degré", c'est à dire sans préméditation…

Citations

Si seulement les filles savaient qui je suis et ce dont je suis capable !
Si on pouvait lire dans mes pensées, on m'enfermerait et on jeterait la clé.

Angelo Colalillo (1965-2006), tueur en série (Québec)

       
Les enfants ont besoin d'un endroit pour jouer !… 

Les prédateurs ont aussi besoin d'un endroit pour jouer.

Peter Woodcock (1939- ), tueur en série (Ontario).

 

Robert Pickton a le cœur sur la main. Mais le cœur de qui au fait ?

Anne Melchior, journaliste à propos de Robert William Pickton (1950- ), tueur en série (Colombie-Britannique).  

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